Sans Frontières

JPGU - FO COM – Un échange constructif

Depuis des années et par notre affiliation commune à UNI Global Union, FO Com a entretenu des liens réguliers avec le JPGU, syndicat de la Poste Japonaise. Nos deux entreprises, plutôt similaires sur certains points, nous ont conduits à travailler sur des thèmes communs comme la digitalisation croissante de nos métiers, la présence postale en zone rurale, La Banque Postale, la robotisation, la prise en compte du e-commerce ou la question du dernier kilomètre. C’est donc, aujourd’hui, le fruit de douze années d’échanges ayant conduit nos camarades japonais à venir rencontrer FO Com cette année encore pour des discussions sur cette mutation.

Ces 17 et 18 juillet, la Fédération FO Com, représentée par la Secrétaire Générale, Christine BESSEYRE et les responsables des secteurs Poste et International, Christine SIMON et Alex SIRIEYS, a accueilli une délégation japonaise composée d’un responsable syndical, d’un représentant de leur institut de recherche et d’un universitaire spécialisé dans l’étude des postes et notamment française. Le programme, après l’aspect protocolaire et linguistique, a mené la délégation à se déplacer sur plusieurs sites de Paris. Après une première visite des bureaux, il y a quelques années, en province et en zone rurale, c’était donc l’occasion pour eux de voir des sites BGPN et BSCC en zone urbaine, de rencontrer des postiers parisiens et d’échanger avec nous sur la nouvelle stratégie de La Poste Groupe.

Avec le soutien du Secrétaire Départemental Thierry CHAISE, la délégation a pu visiter un nouveau bureau BGPN et répondre aux nombreuses questions de nos délégués japonais au sujet des diverses activités proposées : automates, passage du permis de conduire, conseillers spécialisés, instances, affranchissements, retraits d’argent. Les postiers présents ont pu aussi prendre part aux échanges et expliquer les changements de l’entreprise. Nous avons visité une antenne Logissimo gérant la prise en charge des paquets suite à des commandes en ligne qui reste, comme partout dans le monde, une activité en pleine croissance. Nous nous sommes ensuite rendus sur une Plateforme Colis pour leur présenter la nouvelle flotte électrique composée entre autres de vélos cargo ; l’occasion pour nos amis japonais de découvrir nos technologies et organisations de travail. Puis, les délégations se sont donné rendez-vous dans un établissement courrier en pleine mutation avec notamment le portage de repas.
Depuis leur dernière venue, La Poste française a énormément évolué ; la délégation a aussi visité un autre établissement, plus fréquenté, avec des attentes et des enjeux différents. La délégation japonaise a pu, ainsi, poser de nombreuses questions sur les bureaux, les maisons France services, la disparition du timbre rouge, les missions de service public au sein d’une entreprise, certes, privée mais qui compte encore bon nombre de fonctionnaires.

La Poste a déroulé ses ambitions avec des thèmes sur l’Excellence, la Conquête ou la Performance. Face au discours patronal, la délégation japonaise ne s’est pas montrée dupe et a riposté par des questions pertinentes sur les attentes des agents au sujet des conditions de travail, les salaires ou la rentabilité de ces nouveaux services.

Après ces visites, nos deux délégations ont comparé les deux « Poste » pour déterminer les idées ou modèles qui pouvaient représenter des pistes sérieuses pour l’avenir.
Le Japon voit son taux de natalité baisser depuis des années entraînant un vieillissement spectaculaire de sa population. Le nombre de travailleurs actifs est en baisse et le pays manque, par exemple, cruellement de chauffeurs routiers. À l’instar de ce qui se passe en France, la Poste Japonaise voit le volume de courrier diminuer, la croissance du colis dans un monde concurrentiel et un manque évident de main - d’œuvre. Elle a d’ailleurs perdu 30 000 postiers en quatre ans et dispose encore de 24 000 bureaux de poste mais elle constate une baisse de sa clientèle, d’où sa réflexion sur la nécessité de trouver de nouveaux services. Toutes ces raisons amènent les délégations à poursuivre et à échanger nos analyses respectives.

Les défis de la livraison

Avec le boom des livraisons et l’expansion considérable du e-commerce (avec un chiffre d’affaires atteignant les 112 milliards d’euros en 2020), le dernier kilomètre devient capital. Par comparaison, le secteur postal et de la distribution a généré environ 110 milliards d’euros de recettes en 2021 (0,8 % du PIB total et +21 % par rapport à 2017) dans les États membres de l’Union Européenne-27.
La logistique du dernier kilomètre, également appelé « Last Mile Logistics », est un terme utilisé majoritairement dans la gestion de la chaîne d’approvisionnement (supply chain). Avec l’essor accéléré des ventes en ligne, le « dernier kilomètre » est au cœur des préoccupations. Il désigne tout simplement l’étape finale du processus de livraison. C’est-à-dire le moment où le colis part de l’entreprise (magasin de détail, entrepôt, usine de fabrication…) pour rejoindre sa destination finale (le lieu de réception par l’utilisateur définitif).
L’objectif du Last Mile Logistics est d’optimiser autant que possible les délais. Cependant, la livraison du dernier kilomètre apparaît pour les entreprises comme la plus coûteuse financièrement mais également sur le plan environnemental. L’acheminement de marchandises serait en réalité responsable de 25 % des émissions de gaz à effet de serre dans le milieu urbain.
Selon une étude menée par Cushman & Wakefield, intitulée « Last Link : Quantifying the Cost », le dernier kilomètre représente effectivement plus de la moitié des coûts globaux de la chaîne logistique soit jusqu’à 20 % des frais liés au transport du produit.
La crise sanitaire a confirmé l’accélération des achats en ligne. Ce serait alors 42 millions de « cyberacheteurs » qui se sont retrouvés sur Internet durant le quatrième trimestre de 2020. Le transport express (dans les 24 à 48 heures suivant la commande) s’impose également comme un service fondamental.
Les habitudes de consommation évoluent et les achats en ligne explosent. Les consommateurs sont devenus exigeants : rapidité (mis en avant par exemple par Amazon), souplesse des horaires, planification, récupération des produits sélectionnés dans un point de retrait, point relais ou magasin, y compris les dimanches et jours fériés.
Les courses en ligne gagnent également en popularité et entraînent le secteur alimentaire à développer sa logistique. La grande distribution continue son envolée digitale : + 7 % au 3e trimestre 2021 par rapport à 2020 et + 47 % par rapport à 2019.
Cette évolution s’est accompagnée d’une détérioration considérable des conditions de travail dans le secteur de la livraison du dernier kilomètre. En effet, La Poste a modifié ses organisations de travail dans le but, d’une part, de réduire les coûts, principalement constitués par les frais de personnel et, d’autre part, de devenir plus flexible et agile afin de rester compétitive, d’obtenir davantage de clients et prendre en compte l’évolution de leurs besoins.
Cette détérioration se présente différemment en Europe selon les contextes nationaux et dépend largement du cadre juridique et de la culture nationale dans le secteur de la poste et de la logistique, ainsi que des différents usages en matière de négociation collective et d’organisation du travail. Globalement, la principale tendance observée est celle de l’externalisation des coûts, des risques et du travail.
D’un point de vue syndical, la livraison du dernier kilomètre est confrontée à une course vers le bas en termes de salaires et de conditions de travail. Les contrats de travail des chauffeurs-livreurs comprend des employés directs, des sous-traitants, des indépendants et des travailleurs de plateforme qui se font concurrence. C’est pour cela que FO Com au sein de UNI Global Union contribue actuellement à une étude européenne afin d’avoir une vision plus complète et pouvoir défendre les intérêts des salariés concernés. L’enjeu est de taille puisque l’étude veut englober des entreprises aussi diverses que UPS, Amazon, DHL, Royal Mail, DPD Group, Uber Eats, Delivery Hero, Aramex, Jumia ou Just Eat…

La poste espagnole dans le gouffre !

Depuis 2018, le chiffre d’affaires de la poste espagnole, Correos, ne cesse de baisser  avec moins de 400 millions de fonds propres et une dette de de 500 millions en 2022 soit une perte de presque un milliard d’euros !
Correos voit son activité traditionnelle baisser de 12 % mais comment concevoir l’augmentation de 68 % des autres opérateurs dans le même créneau ? Comment l’opérateur historique baisse de 1,4 % dans le colis express alors que sa concurrence progresse de 315 % ? Inimaginable !

Dès 2019, les organisations syndicales espagnoles UGT et CCOO ont dénoncé le processus de démantèlement intentionnel que l’actuelle équipe dirigeante nommée par le gouvernement espagnol promeut depuis quatre ans. Son action unilatérale, dénuée de toute responsabilité sociale, a produit la plus grande dégradation de l’histoire du service postal public en Espagne et a placé l’opérateur public dans une situation proche de la faillite économique.
L’actuel président de l’entreprise a condamné le secteur postal traditionnel (lettres et colis du service postal universel), en réduisant son financement (110 M€), et en échouant dans tous ses « projets » de diversification (NEXEA, Correos Cargo, Correos Market, Correos Frío, Correos Cash, Entrepôts logistiques, etc.), réalisant un dérisoire chiffre d’affaires de 4,5 M€ au cours des trois dernières années. Cette situation a été rejetée par les syndicats CCOO et l’UGT qui, représentant 75 % des travailleurs postaux, ont appelé à se mobiliser. Car le droit des citoyens espagnols à des communications postales abordables, accessibles et de qualité comme le prévoit la loi 43/2010 en application de la troisième directive européenne est en danger. Trois grèves générales menées en 2022 avaient mobilisées près d’un postier sur cinq notamment lors de la manifestation de Madrid.

Les syndicats espagnols exigent un changement immédiat du cadre de gouvernance responsable du chaos et de la ruine actuelle de Correos. Ils réclament l’ouverture d’un débat sur la définition du modèle postal futur et durable dont l’Espagne a besoin avec un financement public suffisant pour la fourniture du service public postal, des investissements, un véritable plan stratégique, ainsi qu’un accord de travail qui garantit les droits et la qualité de l’emploi pour relever les défis futurs auxquels nous, syndicats postaux, sommes confrontés au niveau mondial.
La dernière Conférence européenne des postes et de la logistique d’UNI, (représentant 50 syndicats européens dont FO Com soit plus d’un million de travailleurs de 34 pays) a exprimé son plein soutien à la lutte que CCOO et UGT mènent depuis deux ans pour la défense du service postal public espagnol et de Correos en tant qu’opérateur public.

La nécessité des bureaux de poste

Lors de la crise sanitaire en France et alors que le président français parlait de guerre face à la covid-19, tous avaient considéré l’indispensable lien entre les services publics et la population. Tout le monde se souvient des soignants, intervenants à toute heure et dans des conditions d’urgence extrême et des postiers, les seuls à livrer particulièrement. Sauf qu’en France, les travailleurs de la première ligne ont été remerciés tout simplement au sens littéral comme au sens figuré. Certes, il y a eu le Ségur pour les personnels de la Santé mais pour les postiers, des réorganisations, des formations pour les managers au PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi), de la distribution alternée et au passage pour ceux qui utilisent encore les services de La Poste, la fin du timbre rouge et une tarification musclée.
Aujourd’hui aussi, la dramatique réalité de la situation en Ukraine révèle l’indiscutable lien entre la population et les postiers. Alors que toute l’Europe se mobilise en termes de solidarité, l’Ukraine remet lentement en route son pays notamment dans les zones dévastées par la guerre. Une fois la zone sécurisée, ce sont les secteurs publics qui sont rétablis et notamment les bureaux de poste dont l’une des missions est entre autres de payer les pensions. Pour tous ces retraités, c’est le premier argent perçu depuis des mois, le premier lien social retrouvé, mais c’est surtout le retour du service public aux côtés de la population.
Certes l’environnement postal a fortement évolué en Europe ces quinze dernières années mais face à une concurrence injectée artificiellement, le vrai service public se révèle toujours et notamment en période de crise. Nous avons des services publics avec des missions et un lien indéfectible avec la population, un lien social par la distribution du courrier six jours sur sept, la livraison de la presse, notre présence en zone rurale et nos services bancaires au plus près des plus modestes. Alors quand La Poste Groupe dit maintenir ses missions, comment peut-elle les remettre en cause avec ses réorganisations en cascade et sa distribution alternée ?

Royal Mail veut « ajuster la taille de l’entreprise »

Alors que le Royaume-Uni vit une crise sans précédent dans plusieurs domaines (politique, économique et social), l’austérité salariale touche les britanniques de plein fouet combinée avec une inflation record.
À la rentrée 2022, le syndicat CWU a organisé 8 jours de grève et 16 jours supplémentaires sont prévus d’ici la fin décembre pour obtenir de meilleurs salaires. Dans un communiqué datant du 14 octobre, Royal Mail envisage 10 000 suppressions d’emploi d’ici août 2023, pouvant se traduire par 6 000 licenciements. L’entreprise postale estime que ces journées de grève n’ont pas permis de réduire ses coûts assez rapidement, ce qui la conduit à poser sur la table ce genre d’option. Elle est même allée jusqu’à changer de nom récemment, pour devenir International Distributions Services, afin de mieux refléter la structure du groupe. Mêmes ingrédients, même recette que le Groupe La Poste ?