Le 14e Congrès de la Confédération Européenne des Syndicats s’est tenu à Vienne du 21 au 24 mai en présence de plus de 1 300 participants, dont 699 délégués représentant 70 confédérations en provenance de 39 pays. La modification statutaire adoptée lors du précédent congrès de la CES, à Paris en 2015, pour garantir la parité, a porté ses fruits, puisque les femmes représentaient cette fois 48,5 % des déléguées (contre 42 % il y a quatre ans). Sept délégations ont vu leur droit de vote réduit pour non-respect de la parité.
Outre l’élection d’une nouvelle direction, l’enjeu de ce congrès fut l’adoption d’un programme d’action pour la période 2019-2023 et d’un manifeste ; « Lutter pour des hausses de salaires, une négociation collective plus forte et des droits applicables pour tous », « relancer le modèle social européen et façonner l’avenir du travail à travers un socle des droits sociaux effectif » sont deux des six thèmes qui nourrissent les textes que le congrès a finalisé. La démocratie, la transition écologique, la digitalisation du travail, la politique industrielle, l’égalité des genres et les migrations figuraient aussi à l’ordre du jour.
Durant les travaux préparatoires au congrès, la confédération FO, avec 179 amendements proposés aux projets de textes a d’ores et déjà été l’un des principaux contributeurs.
Elle a ainsi obtenu que soient rajoutées plusieurs de ses revendications, comme le respect de la hiérarchie des normes et du principe de faveur, l’exclusion des dépenses publiques dans le calcul du déficit public dans le cadre du semestre européen, la demande d’une directive européenne sur le devoir de vigilance, ou encore le respect de l’équilibre entre l’économique et le social. Pour Marjorie Alexandre, secrétaire confédérale du secteur International, « l’enjeu pour FO est de faire avancer l’Europe des travailleurs, a contrario de l’Europe des marchés ».
Europe : le prix de la concurrence
La Commission Européenne a décidé, à partir du 15 mai, que les appels téléphoniques d’un pays de l’UE à un autre soient plafonnés à 19 centimes la minute et l’envoi d’un SMS à 6 centimes. Une décision qui va encore amputer les marges des opérateurs européens alors que leurs tarifs sont déjà très inférieurs à ceux pratiqués, par exemple, Outre-Atlantique. Cette politique tarifaire est la conséquence du dogme ultralibéral qui, au nom de l’intérêt des consommateurs, pousse à une concurrence exacerbée et aux privatisations.
Le comble du paradoxe c’est qu’au nom de la même obsession européenne pour la concurrence censée faire baisser les prix, la Commission de régulation de l’énergie impose une hausse de 5,9 % du prix de l’électricité « au plus tard le 1er juin 2019 ». Envolée qui pénalise gravement le pouvoir d’achat des ménages.
En fait, pour assurer l’existence de fournisseurs privés concurrents d’EDF, les pouvoirs publics imposent une augmentation du tarif régulé supérieure à celle de ses coûts de production. De quoi torpiller l’actuel tarif bleu et pousser les consommateurs attachés au service public dans les bras du privé. Comme la concurrence « libre et non faussée » ne produit pas les résultats escomptés, le législateur entreprend de la fausser à l’avantage du secteur privé… Une situation déjà familière à France Télécom quand il fallait permettre aux concurrents d’entrer sur le marché.
Lourde réforme de la Poste en Italie
L’Italie a opté pour des mesures radicales à la Poste ! Les facteurs sont-ils voués à disparaître des paysages ruraux ? En tout cas, dans certaines communes d’Italie ils se font de plus en plus rares. La Poste italienne expérimente une nouvelle façon de distribuer le courrier, adaptée selon elle aux changements d’habitudes de ses 34 millions clients. Le facteur ne passe donc plus tous les jours !
Désormais, la Poste mise sur le e-commerce et les colis. En 2017, 113 millions de paquets ont été envoyés à travers le pays. C’est 17 % de plus qu’en 2016. Un service « business » y est dédié ainsi qu’aux entreprises. Mais pour les habitants des communes de moins de 5 000 habitants, ce service d’envoi de colis est devenu payant.
Derrière cette stratégie, un objectif clair : produire 500 millions de chiffre d’affaires supplémentaire pour la Poste italienne. Cependant, le service s’est engagé à ne pas fermer de bureaux de poste…
Espagne : chasse aux heures sup’ non payées
Un nouveau décret impose aux entreprises de tenir compte des horaires réels de tous leurs salariés. Elles ont l’obligation de tenir un registre de leurs entrées et sorties, registre qui devra être mis à la disposition des représentants du personnel comme de l’inspection du travail. Il s’agit, selon les auteurs du décret, de certifier le temps de travail réel et de détecter les heures exécutées en plus du cadre contractuel.
La dernière enquête de population active détecte en effet qu’au premier trimestre 2019, les salariés espagnols ont effectué plus de 5,6 millions d’heures supplémentaires chaque semaine, dont 46 % ne sont pas payées et ne cotisent donc pas aux caisses de l’État.
Les syndicats applaudissent cette mesure qui aide à en finir avec le « travail gratis ». Depuis des années en effet, ils dénoncent le recours à des emplois à faux temps partiel qui correspondent, de fait, à des temps complets. Mais ils restent critiques sur le régime de sanctions peu élevé, avec des amendes allant de 626 euros à 6 250 euros, et le manque de précision du nouveau cadre légal. Du côté des employeurs, c’est moins le coût des éventuelles amendes qui inquiète que les nouveaux enjeux en matière de négociation collective. En mettant noir sur blanc la réalité horaire, ils savent qu’ils s’exposent à de nouvelles revendications de syndicats pour revoir les politiques d’embauche et les grilles salariales.
La sécurité et la santé au travail : un défi d’actualité
En 2017, 2,4 millions de travailleurs ont perdu la vie dans le monde du fait de maladies professionnelles et 380 000 après un accident du travail. Soit un total de 2,78 millions de décès, contre 2,33 millions en 2014. De plus, 374 millions ont été victimes de maladies ou d’accidents non mortels, selon l’Organisation internationale du travail (rapport d’avril 2019).
Les facteurs de risque anciens et bien connus (ergonomie, bruit, exposition à des matières dangereuses) se poursuivent à grande échelle. Sur les dix-huit expositions mesurées en 2016 par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), seule l’exposition à l’amiante a reculé depuis 1990, toutes les autres ayant progressé, de près de 7 % en moyenne. Les maladies non transmissibles, notamment les maladies circulatoires et respiratoires, ainsi que les cancers, sont en augmentation.
En France, le nombre de cancers professionnels a ainsi plus que triplé en vingt ans, passant de 540 cas reconnus en 1998 à 1 940 en 2017.
De plus, de nouveaux facteurs de risque sont apparus, comme la numérisation du travail et la flexibilisation de son organisation, qui contribuent à ce que la durée du travail soit aujourd’hui excessive (plus de 48 heures hebdomadaires) pour 36 % de la population active mondiale. Les risques psychosociaux, le stress lié au travail sont un motif d’inquiétude croissant. La mondialisation de l’économie a créé des chaînes d’approvisionnement dans lesquelles, de sous-traitant en sous-traitant, se dilue la responsabilité des donneurs d’ordre. Les changements démographiques sont aussi importants car les jeunes travailleurs ont des taux de blessures professionnelles significativement plus élevés, alors que les travailleurs plus âgés ont besoin de pratiques et d’équipement leur permettant de s’adapter pour travailler en sécurité. Le changement climatique augmente les risques d’exposition à la pollution atmosphérique, au stress thermique et aux maladies émergentes.