Dossier

INTERVIEW Patricia Nadaud, Responsable nationale FOCOM du Réseau

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Peux-tu nous parler de ton parcours ?
J’ai commencé en 1993 à faire des remplacements de receveurs ruraux. C’était une activité alimentaire pour remédier au fait que je ne trouvais pas de travail dans mon domaine, j’ai une licence en biotechnologies. Mais le transitoire durant, j’ai été « sédentarisée » sur un bureau où j’effectuais des tâches de service arrière. J’ai alors tenté ma chance sur les premières promotions de guichetier confirmé. Après un écrit puis un oral, c’est le CDI ! Nouvelle organisation du bureau, un poste de gestionnaire de bureau/ agent seul se libère et je suis nommée. Mais je m’ennuie dans un bureau où le flux est minime aussi je choisis de me positionner sur un poste de Gestionnaire de clientèle courrier. Je réussis sur un territoire très rural avec des bons résultats commerciaux et La Poste me propose une évolution vers la ligne commerciale bancaire. Au fil des ans, j’ai eu de plus en plus de mal à m’épanouir sur une fonction qui limitait de plus en plus mon esprit d’initiative et mon besoin d’autonomie… J’ai trouvé satisfaction en approfondissant mon engagement syndical auprès de la Fédération. J’ai été élevée aux idées de FO dès le biberon car je suis issue d’une famille militante, mon père ayant été secrétaire départemental. Pour moi, c’était tout à fait logique de me syndiquer dès que j’ai eu un CDI à La Poste, il y 20 ans. Les copains de ma section m’ont sollicitée pour travailler avec eux à la CE, en tant qu’experte sur les réorganisations et comme élue aux CCP. En 2014, Michel Gans me sollicite pour travailler avec lui sur la ligne commerciale bancaire. J’accepte et l’aventure de permanente syndicale commence…

Quelle est la situation à l’Enseigne, devenue maintenant le Réseau ?
La nouvelle organisation du Réseau avec la mise en place des « Clés de la Réussite » va conduire à un maillage semblable aux réseaux concurrents. Aujourd’hui, sur un comité de direction de secteur de 4 personnes (DS, RC Part, REC, RE), nous voyons très clairement que pour 2 d’entre eux, RC Part et REC, la prédominance de la partie commerciale de leur fonction va s’affirmer d’ici à 18 mois bien que La Poste s’en défende… Dans cet esprit, sur 5 700 managers au 31 décembre 2015, avec ce tour de passe-passe, La Poste aura transformé 2 850 postes de managers en postes de commerciaux. Sans le dire franchement aux intéressés qui se sont repositionnés sur ces fonctions, ce qui pose aujourd’hui des problèmes de compétences et de bien-être au travail. L’idée est d’accélérer le développement commercial, en s’appuyant sur la ligne des chargés de clientèle (ex-guichetiers) qui doivent à leur tour s’approprier le schéma des autres banques de réseau en étant en posture d’accueil et de vente. Pas si simple pour des postiers qui n’ont pas tous été recrutés sur des compétences commerciales…
Il faut à tout prix rentabiliser ce réseau qui a des charges de structure importantes (cf. le rapport de la Cour des Comptes), et qui voit sa fréquentation diminuer d’année en année. Pour La Poste, il s’agit de s’acclimater au changement de société qui va de plus en plus travailler en multicanal et où l’apparition de géants de l’internet (Google, Apple…) sur les secteurs de la banque pourrait bien bousculer encore plus notre entreprise. Il faut un réseau capable d’offrir une prise en charge des clients et une qualité de conseil de haut niveau pour conserver une attractivité.

Et à Force Ouvrière ?
Pour FO, conscients de ces nécessités, il faut cependant que les changements se fassent avec les postiers, si on veut qu’il ait une chance de réussite. Nous militerons afin que tout soit mis en œuvre pour que les conseillers puissent offrir cette qualité de conseil nécessaire, par des formations en présentiel, par de l’autonomie, par des appuis sans faille des autres services (CNP, CF). Nous nous battrons pour que les chargés de clientèle soient formés sereinement pour atteindre le niveau d’exigence voulu, qu’ils bénéficient eux aussi d’appuis joignables et sûrs. Nous revendiquerons que le râteau managérial ait l’autonomie annoncée et que chacun, en fonction de son expérience, puisse trouver sa place au sein de notre entreprise. De plus, les moyens doivent accompagner ces changements : voitures, bureaux, moyens de remplacement suffisants afin que tous puissent exercer leur fonction (et uniquement celle-là) de façon sereine.
Jamais notre implication syndicale n’a été aussi stratégique dans l’avenir de notre groupe. Il faut que nous soyons solidaires et vigilants pour le bien de chaque postier.

Sale temps pour les banquiers
(surtout pour ceux qui travaillent pour une banque plus placeuse que prêteuse comme La Poste)

Le dernier gros coup de vent vient de la Banque Centrale Européenne qui enfonce de plus en plus ses taux d’intérêt (taux de dépôt) dans les zones négatives, (– 0,4 %), du jamais vu ! La Banque Postale n’a pas d’autre choix que d’encaisser ce mauvais temps. L’établissement public doit absolument réorienter son positionnement pour rentabiliser ses importantes liquidités. La Banque Postale a un des meilleurs taux de solvabilité du marché (13,2 % de CET1 au lieu des 9,5 % réglementaires).
Si pour une banque, un bon taux de solvabilité est rassurant, cela ne la dispense malheureusement pas d’avoir de bons résultats. La loi de la finance est impitoyable et s’applique à tout le monde. Dans cette forte tempête, on ne peut que se réjouir que La Banque Postale ne soit pas cotée en bourse.
Pour 2016, la feuille de route est simple : le développement, rien que le développement ! Nos grands patrons ont lancé la charge : « il faut augmenter les crédits à la consommation, les crédits aux entreprises, les crédits à l’immobilier… Il faut aussi équiper les clients d’une deuxième carte bleue… Il faut encore vendre de l’assurance… Il faut, en plus, placer de la complémentaire santé… ».bourse
Il faut, il faut… Bref, feu à volonté ! Nos collègues sont prêts à aller au combat, à condition qu’ils soient respectés, encouragés et confortés dans leur quotidien.
Les COBA et leurs collègues sont prêts à relever tous les défis à condition que les objectifs assignés soient clairs, crédibles et réalisables. La pression pour la pression n’est plus de mise !
La Poste communique… mais pas sur tout
Pourquoi, malgré plusieurs demandes de FO, aucune communication n’a été faite ni sur les critères, ni sur le montant de la prime d’adaptation des groupe A sur les « Clés de la réussite » ? De grandes disparités voient le jour entre les DR, sans qu’aucune règle ni aucun motif ne soient donnés. Les heureux élus se sentent privilégiés et n’osent dire qu’ils ont eu quelque chose. Quant aux autres, ils se sentent spoliés mais n’osent réclamer. Sans demander l’écriture d’une note intangible, des « recommandations » auraient pu être données afin d’éviter cette ambiance délétère. Ce n’est pas de cette façon que La Poste réussira à instaurer un climat collectif.
Pourquoi, malgré diverses sollicitations, aucune réponse n’est donnée sur la continuité de MCU, puis des « Clés de la réussite », enfin sur les DR avec, on le sait une réduction importante de celles-ci ?
La transparence dans ce dossier permettrait à beaucoup de se projeter.
Pourquoi autant de tâtonnement sur les maisons de l’habitat ? Le plus grand flou règne sur leur nombre et leur implantation. Qui dirigera ces maisons ? Là encore plus de transparence permettrait d’envisager l’avenir de façon plus sereine pour certains CSI et offrirait de la lisibilité au réseau.
Pour l’heure, le sentiment général est celui d’un projet, dont les modalités et l’encadrement ne sont pas (encore ?) déterminés, juste celui d’un point d’arrivée, pourquoi pas, mais d’ici là… ?
Combien de boîtes de Tranxène et de Prozac auront été consommées ?

Les maisons de services au public (MSAP)

Créées en 2015, les maisons de service public sont des guichets polyvalents, tenus par des postiers chargés d’aider les usagers dans leurs relations avec les administrations et les organismes publics ayant passé un partenariat avec La Poste (Pôle Emploi, CAF…). Ainsi, la maison de service public s’inscrivait au départ dans une logique de guichet de proximité unique républicain garantissant l’accès aux services publics pour tous et partout, notamment en milieu rural. De plus, c’était une façon pour La Poste de préserver des emplois. C’est pour ces raisons que FOCom, défenseur des valeurs de la République, y était favorable.
Malheureusement, l’objectif a été dévoyé. En passant de maison de service public en maison de services AU public, le rôle républicain n’est plus la mission première, La Poste souhaitant rentabiliser sa présence dans le milieu rural. Seulement 500 MSAP devraient voir le jour sur les 1 000 prévues, ceci dû à la baisse des subventions et au retrait de la SNCF du projet. Il existe 3 niveaux de services :

  • Premier niveau dit d’information, l’agent du guichet donne des flyers et il peut y avoir une borne pour servir d’intermédiaire entre les clients et le service public partenaire (CAF, pôle emploi, CPAM…).
  • Deuxième niveau, dit de mise en relation.
  • Troisième niveau, dit de transaction, à ce stade les partenaires font physiquement des permanences dans le local.

Aujourd’hui, seules des MSAP de premier niveau voient le jour, ce qui ne place pas l’entreprise dans une perspective de gain puisque c’est la moins lucrative.
La pérennité de la MSAP peut alors être questionnée… Son transfert vers un commerçant ou sa fermeture définitive envisagés… Ce serait, une fois de plus, l’affaiblissement de la République.
Un autre hic, la présence d’un conseiller de La Banque Postale dans les locaux d’une MSAP, parfois bien utile dans les zones de grande ruralité, irrite les réseaux concurrents qui jugent cette présence comme une concurrence déloyale…