Le premier semestre économique de La Poste : embellie ou effet d’optique ?

Compte tenu de l’atonie économique du pays, les résultats affichés par La Poste au 1er semestre 2015 sont encourageants : le résultat d’exploitation fait un bond de + 44,3% à 616 millions tandis que le résultat net progresse de 31,7% à 424 millions.
Cette tendance est-elle le signe d’un renouveau ?

Il serait aventureux de le dire car ces chiffres sont essentiellement dus à l’augmentation inédite de 7% du prix du timbre. Sans cette manne de 173 millions, le résultat d’exploitation se situerait en-deçà de celui du 1er semestre 2014. Or, une telle augmentation ne pourra pas de sitôt être renouvelée, La Poste ayant consommé, en une fois, 50% de la marge de progression des tarifs autorisés par l’autorité de régulation, la moitié restante ne pouvant être mise en œuvre que par tranche jusqu’en 2018.

Cette limitation et le fléchissement continuel des volumes du courrier, ce dernier sans doute accéléré par la hausse des tarifs, vont rouvrir la plaie du déficit structurel de l’activité traditionnelle de La Poste.

Eu égard aux sommes en jeu, les tâches nouvelles inventoriées par les dirigeants de La Poste généreront-elles des revenus suffisants ?
Les premières estimations peuvent en faire douter. FO considère que si certaines pistes sont porteuses d’avenir, on ne peut motiver le personnel par la dispersion d’expériences dont certaines ne s’accordent pas avec les valeurs du service public tandis que les suppressions d’emplois continuent ainsi que des réorganisations déstabilisantes pour les postières et les postiers.

La Banque Postale et l’activité colis (surtout à l’étranger) confirment qu’ils sont des éléments moteurs. Mais sur tout ces domaines s’exerce non seulement la pression de la concurrence mais aussi le danger du désengagement de l’État concernant le financement des missions de service public dévolues à La Poste et dont elle ne peut assumer seule, au risque de faillite, le déficit d’exploitation.
Favoriser, comme le souhaite le Gouvernement, le transfert des dotations destiné à la distribution de la presse de La Poste aux entreprises de portage affaiblirait davantage la situation financière de La Poste alors que celle-ci assume déjà, à hauteur de 325 millions, le déficit lié aux tarifs préférentiels des affranchissements pour les journaux et magazines. Avec la disparition de la quote-part de l’État, la situation deviendrait économiquement intenable.

FO appelle l’attention sur un danger du même ordre, lequel menace cette fois le service public de l’accessibilité bancaire incarné par le Livret A, seule possibilité pour les plus démunis de nos concitoyens de disposer, au-delà de la capacité à épargner, d’un système faisant office de compte bancaire (virement des prestations sociales).

Outre le fait qu’il pénalise et stigmatise les petits épargnants, le rabotage à 0,75% de la rémunération du Livret A fera « émigrer » vers d’autres produits les comptes les plus fournis, augmentant alors les coûts de gestion des « petits » livrets, soit plus de 50% du portefeuille de l’ensemble des Livrets A.
Ces coûts génèrent un reste à charge de près de 80 millions supporté par La Banque Postale.
Normalement, il risque de s’accroitre et même de s’emballer en raison d’un autre mauvais coup : la décision prise discrètement par le Gouvernement en février 2015 de faire passer sa contribution à l’accessibilité bancaire de 250 millions en 2012 à 150 millions en 2020 (-40%) alors que le principe d’une stabilisation avait été évoqué.
Sur ce sujet comme sur d’autres, FO considère que si des améliorations et des économies liées aux évolutions technologiques sont toujours possibles, les exigences du service public font qu’à partir d’un certain seuil de retrait financier de l’État, elles ne pourront plus être assumées.
Les couleurs favorables des résultats semestriels de La Poste ne doivent pas faire oublier ce danger mortel.

Paris, le 29 juillet 2015
Le Secrétaire Général
Philippe CHARRY